Rachelle LE COSQUER

Rachelle LE COSQUER

Orthophoniste
La médiation animale chez l'orthophoniste

La médiation animale chez l'orthophoniste

En apaisant la relation entre l’enfant et le thérapeute, l’animal renforcerait l’efficacité de la prise en charge des jeunes patients atteints de troubles du langage.

Un chien pour traiter les troubles du langage?

L’approche a fait ses premiers pas en France sous l’impulsion d’une poignée d’orthophonistes et de psychomotriciens à la recherche de nouveaux outils de soin. «L’animal apaise la relation avec le thérapeute», assure Mireille Bachelin, orthophoniste dans un Institut médico éducatif de l’Isère. «On le regarde, on le touche, on lui parle: c’est un support extraordinaire».

L’idée n’est peut-être pas si extravagante, à en croire une étude menée auprès de 69 enfants âgés de 4 à 7 ans souffrant de dysphasie. Ce trouble de la communication, sans rapport avec les capacités intellectuelles, se traduit par des difficultés à s’exprimer à l’oral comme à l’écrit, à percevoir et à comprendre. Il ne touche que 2% des enfants. Le plus souvent, une rééducation orthophonique intensive permet à l’enfant de vivre normalement avec son handicap et de poursuivre sa scolarité. Que fait le chien dans tout ça? C’est ce qu’ont cherché à savoir les scientifiques. «Nous avons mesuré au bout de dix mois les bénéfices de la thérapie, avec et sans médiation animale», écrit Kristyna Machova, chercheuse au département des sciences de l’animal de l’Université de Prague. «Dans les deux cas, des améliorations significatives ont été constatées - avec une supériorité des séances menées avec l’assistance du chien». Les résultats sont publiés dans la revue Anthrozoös.

«La médiation animale est expérimentée et étudiée depuis plus de cinquante ans aux États-Unis», souligne Elisa Chelle, une chercheuse à l’Université de Lyon, spécialiste de la relation médecin-malade, qui s’est intéressée à cette approche. «En France, elle se développe pour l’heure surtout à la campagne», dit-elle. Le seul hôpital psychiatrique à avoir mis en place, en 2010, la ‘’cynothérapie’’ est celui d’Amiens: l’idée est d’aider les patients à s’ouvrir sur l’extérieur et donc, à guérir plus rapidement.

C’est un vrai plaisir pour les enfants

La présence du chien dégonfle le stress de la consultation, permet un décentrage de la thérapie et incite l’enfant à jouer un rôle actif, selon les thérapeutes qui ont introduit l’animal dans leur cabinet. «On alterne le travail d’orthophonie pure avec des moments autour du chien», raconte Marie-Christine Noblet, orthophoniste. «On va alors lui parler, se positionner face à lui, raconter des histoires. C’est un vrai plaisir, pour des enfants dont le rapport au langage est d’habitude empreint d’une grande souffrance». Dans l’étude, les scientifiques ont fait appel à Agata, un chien nu du Pérou de cinq ans, dressé pour obéir aux ordres de l’enfant - assis, debout, couché- si le mot est correctement prononcé. Des exercices physiques (ramper, passer par-dessus le chien, le toucher) étaient également mis en place.

D’autres recherches doivent être menées sur les bienfaits de la médiation animale, souhaitent les auteurs de l’étude qui y voient un outil prometteur pour réduire l’impact d’un trouble aux répercussions sociales potentiellement graves. En France, rappelle la Fédération nationale des orthophonistes, elle ne fait pas partie des outils recommandés par la Haute autorité de santé.