Didier MANEZ

Psychothérapie - Psychanalyse | 0682056951

Didier MANEZ

Psychothérapie - Psychanalyse | 0682056951
La thérapie des schémas

La thérapie des schémas

Thérapie des Schémas

La thérapie des schémas — Principes et outils pratiques

Une traversée en prose des fondations, des cartes intérieures et des gestes thérapeutiques, d’après Bernard Pascal (2015) et l’école de Jeffrey Young.

AttachementNeurosciencesDissociationTempéramentEMDRImagerie

Navigation — Prologue · La matière des schémas · Le dessous neuronal · Attachement et besoins · Cartes et familles · Les modes en scène · L’atelier thérapeutique · Vignettes en filigrane · Philosophie et prudence · Épilogue

Prologue — D’où vient la TS et ce qu’elle cherche

Au tournant des années 1980, Jeffrey Young, formé à la tradition cognitive et comportementale, se heurte à une évidence clinique: pour les troubles de la personnalité, les protocoles classiques manquent leur cible. Il ne s’agit pas seulement de corriger des pensées, mais d’approcher des nœuds plus anciens, plus profonds, où l’émotion tient le premier rôle. La Thérapie des Schémas (TS) naît de cette intuition: au centre, non des symptômes isolés, mais des configurations affectives durables, forgées dans l’enfance, qui teintent l’identité et les liens.

Bernard Pascal propose un guide à la fois fidèle et vivant de cette approche intégrative. Fidèle, parce qu’il en respecte les sources — attachement, dissociation, apports psychanalytiques, Gestalt, mindfulness, EMDR — et la charpente méthodique. Vivant, parce qu’il privilégie la phénoménologie du patient, la texture de la relation thérapeutique et la transformation concrète des gestes quotidiens. La TS n’est pas une collection de techniques: c’est un chemin pour restaurer la sécurité, l’autonomie et le sentiment d’appartenance, en ré‑écrivant la mémoire émotionnelle au service d’un Adulte Sain.

La matière des schémas — Au‑delà des « croyances »

Parler de « schéma » pourrait laisser croire à une simple croyance centrale. Young, et Pascal à sa suite, déplacent le regard: un Schéma précoce inadapté n’est pas une phrase intérieure, mais un engramme — un entrelacs de souvenirs sensoriels, de sensations corporelles, d’émotions et d’idées qui, ensemble, donnent sa couleur au monde. Il se forme tôt, s’enrichit avec l’expérience et, lorsqu’il est blessé, impose sa logique aux relations présentes.

Cette épaisseur explique la ténacité des Schémas et leur pouvoir d’attraction. On n’argumente pas seulement contre eux, on les ressent, on les réactive malgré soi. D’où l’importance, en thérapie, d’oser descendre au niveau où ils se tiennent: la mémoire implicite, la chair des émotions, la scène intérieure de l’enfant d’hier qui, aujourd’hui encore, appelle protection et limites claires.

Le dessous neuronal — Vitesse des affects, lenteur des mots

La neuroscience éclaire sans tout expliquer. Elle rappelle la vitesse avec laquelle une « voie basse » alerte l’amygdale avant que le cortex ait le temps de comprendre. Elle montre comment un même épisode s’inscrit en double: autobiographique et narrable d’un côté, émotionnel et tacite de l’autre. Quand l’alarme se déclenche, les pensées automatiques suivent comme des ombres.

Le geste thérapeutique, alors, tient en quelques verbes: relier, nommer, figurer. Relier l’émotion d’aujourd’hui à l’histoire d’hier par l’imagerie guidée; nommer ce qui n’avait pas de mots; figurer une scène où quelqu’un — le thérapeute d’abord, l’Adulte Sain du patient ensuite — vient protéger, poser des limites, réparer. À force de reprises, l’alarme perd de sa puissance et l’esprit retrouve le temps de choisir.

Attachement et besoins — Ce que l’accordage transmet

La TS s’ancre dans une anthropologie simple et exigeante: l’être humain a besoin d’appartenance, d’autonomie et de compétence. L’accordage émotionnel entre parent et enfant n’est pas un luxe affectif, c’est un tuteur de croissance: il calibre la régulation, ouvre la voie au jeu, à l’exploration, à l’engagement social. Quand l’accordage défaille, la honte interrompt le flux; quand il se répare, la souplesse revient.

Les styles d’attachement dessinent des manières d’être au lien: la sécurité qui proteste puis se console; l’évitement qui s’éloigne sans bruit; l’ambivalence qui réclame et rejette; la désorganisation qui se fige. Aux extrêmes, la dissociation s’installe tôt et rend le monde imprévisible. Le tempérament, lui, teinte ces trajectoires: certains fuient le danger, d’autres cherchent la nouveauté; tous, à leur façon, apprennent des stratégies qui les ont un jour protégés.

Cartes et familles — Nommer pour mieux déjouer

Nommer n’est pas réduire: c’est donner prise. La carte des dix‑huit schémas proposée par Young et validée par les recherches permet de reconnaître les terrains connus: la carence affective et la peur d’être abandonné, l’imperfection qui se cache, la méfiance qui guette, l’isolement qui se résigne, la dépendance qui s’excuse, la menace qui voit partout le danger, la fusion qui s’efface, l’échec qui se confirme, la négativité qui assombrit, la punition qui durcit, les idéaux qui pressent, le manque d’autodiscipline qui sabote, la grandeur qui exige.

À côté de ces « conditions subies » se sont forgées des réponses apprises — assujettissement, abnégation, quête d’approbation, surcontrôle, compensation grandiose. Elles ont une logique: « si je… alors je souffrirai moins ». À court terme, elles soulagent; à long terme, elles entretiennent le nœud. La thérapie n’en juge pas la morale: elle en observe les effets, propose des alternatives et mesure leur coût et leur bénéfice avec le patient.

Les modes en scène — Un théâtre intérieur

Pour travailler au présent, la TS met en scène les « modes ». L’Enfant Vulnérable porte le cœur de la détresse; l’Enfant en Colère rappelle la part juste de la protestation; l’Enfant Impulsif manque de garde‑fous; le Protecteur Détaché anesthésie pour tenir; les Parents internes — critique, exigeant, punitif — parlent au nom d’anciennes voix. Face à eux, l’Adulte Sain apprend à orchestrer: protéger l’enfant, écouter la colère sans se laisser déborder, poser des limites, contester l’injustice des injonctions, choisir des comportements cohérents avec les besoins.

Idée‑clé: plutôt que d’attaquer frontalement les défenses, la TS les salue pour ce qu’elles ont permis, puis négocie une autre manière de prendre soin.

L’atelier thérapeutique — Gestes et outils

Conceptualiser ensemble

La carte se co‑écrit avec les mots du patient. On relie situations actuelles, épisodes anciens, schémas et modes; on clarifie les priorités et l’on choisit des cibles concrètes. Cette boussole évite de se perdre dans l’émotion ou dans la technique.

Travailler l’émotion

L’imagerie diagnostique suit le fil du corps vers une scène d’enfance; le reparentage y introduit une figure protectrice qui explique, limite et répare. Quand le Protecteur Détaché verrouille, on avance par petites touches, avec des ancrages sensori‑moteurs: parfois, c’est le simple geste de « pousser » qui redonne à la colère sa fonction protectrice. L’EMDR, en complément, aide à retraiter des traces sensorielles tenaces; elle n’est pas une échappatoire, mais une aide à l’intégration.

Éclairer la pensée

On ne « débat » pas avec un schéma comme dans un tribunal; on lui oppose l’expérience entière. Les arguments pour et contre, les explications alternatives, la technique des deux chaises donnent corps au dialogue intérieur. Des fiches mémo relient événement, émotion, pensée, schéma, distorsions, preuves contraires et choix possible — un petit outil de liberté à portée de main.

Changer les gestes

Rien n’ancre mieux une nouvelle croyance qu’un acte réussi. On prépare par jeux de rôle, on répète en imagerie, on prescrit des tâches à domicile, on renforce les avancées. L’assertivité se travaille comme une langue: décrire, dire le ressenti, expliquer la raison, poser la limite — et apprivoiser la culpabilité héritée des anciens pactes d’assujettissement ou d’abnégation.

Vignettes en filigrane — Ce qui se transforme

Un partenaire en retard et l’abandon s’embrase; une intonation neutre et la critique est entendue; une culpabilité tenace se délite après un retraitement; un perfectionnisme qui protège de l’imperfection épuise et se détricote; des couples rejouent le duel entre grandeur blessée et abnégation sans voix; une agoraphobie tient le lien d’attachement en otage; une dissociation se fissure lorsqu’un « non » peut enfin être poussé des épaules au monde. Rien d’extraordinaire, et pourtant: dans ces scènes, la dignité se réapprend.

Philosophie et prudence — La chaleur, la forme et le tempo

L’éthique de la TS tient dans un équilibre: chaleur et clarté, engagement et cadre. Le thérapeute peut se dévoiler si cela sert la sécurité et la réparation. Il affronte les voix punitives avec fermeté et empathie. Il respecte les protections en négociant avec elles; il installe des balises de sécurité; il avance par paliers dès que maltraitance et dissociation ont marqué les tissus. L’EMDR reste un adjuvant du reparentage, pas un substitut. Le tempérament et les transmissions familiales sont pris au sérieux: ils orientent le rythme et la forme des interventions.

Épilogue — De la survie au choix

Ce livre n’empile pas des techniques; il propose un art de relier. Relier l’enfance au présent, le corps à la parole, l’émotion à la décision. Guérir des schémas, ce n’est pas effacer ce qui a eu lieu: c’est apprendre à en porter la trace autrement, avec un Adulte Sain en première ligne. Alors, les stratégies qui jadis ont sauvé peuvent se reposer, et d’autres gestes — plus simples, plus justes — prendre leur place.